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  • Photo du rédacteurRomain Lehmann

Pour la création d’un référent syndical au sein des barreaux.

C’est un fait, le mode d’exercice de la collaboration libérale est en crise.

Alors que le rapport Perben pose de nouveau la question de l’avenir de la profession, après celui de Monsieur Kami Haeri de février 2017, nous constatons au quotidien au sein des Barreaux, une désaffection des jeunes avocats pour cette forme d’exercice.

Une mauvaise réputation accompagne les cabinets recruteurs. Le premier grief vient d’une charge de travail trop importante et qui ne permet pas au collaborateur de développer sa clientèle. Par ailleurs, les niveaux de rétrocession minimum seraient trop faibles. Enfin, le comportement des maîtres de collaboration laisse parfois à désirer ou sont clairement anti confraternels, voire injurieux, partant, indignes de nos principes.

Ces griefs sont justes mais autocentrés sur les difficultés du collaborateur en personne alors qu’un cabinet collaborant doit également penser à sa rentabilité économique et la gestion de son temps. Par ailleurs, ils occultent le fait que la grande majorité des collaborations se passent bien.

Au-delà, ces griefs posent la question de la formation du jeune collaborateur à son rôle de prestataire de services pour le cabinet, son premier client. Une approche « commerciale » du métier dont on souhaite qu’elle soit développée au sein des écoles.

En tout état de cause, le principe d’appréciation du collaborateur libéral est avant tout humain et personnel, souvent subjectif. La mise en œuvre d’un processus de management rationnel en adéquation avec des règles de conformité interne et, au bout du compte, la notation « objective » du collaborateur, n’est pas accessible à tous.

Néanmoins, l’inobservation des principes essentiels de la profession a conduit à de nombreuses crises au sein des barreaux, rendues plus ou moins publiques et gérées de manière plus ou moins confidentielles.

Lorsqu’un collaborateur décide de porter plainte, il ne le fait pas de gaieté de cœur. C’est souvent par désarroi qu’il se lance dans une bataille avec son maître de collaboration, lorsque la coupe est pleine.

Sur le terrain, certaines plaintes, lorsqu’elles sont déposées, ont pu demeurer lettres mortes en raison de la connivence, supposée, imaginaire ou réelle, du Bâtonnier avec le maître de collaboration mis en cause.

De vraies situations d’abus ont fait l’objet de remontées d’informations et, à cet égard, nous attendons les conclusions de l’enquête menée par la commission collaboration du CNB, pour une meilleure connaissance des pratiques et usages dans la relation collaborateurs-cabinets.

Quoi qu’il en soit, au sein de la FNUJA, le 1er juin 2019, une motion relative à la collaboration appelait les ordres à « généraliser la désignation de référents collaborations, avec mission d’écouter les collaborateurs et, le cas échéant, établir un rapport au bâtonnier » en cas de manquement déontologiques.

L’idée était néanmoins contredite à nos yeux par une autre proposition, contenue dans la même motion et visant à créer un registre de main courante répertoriant anonymement les manquements allégués à la déontologie par les maîtres de collaboration, permettant ainsi au Bâtonnier de s’autosaisir d’une difficulté.

Enfin, la motion sollicitait une modification de l’article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat aux fins de créer une nouvelle sanction disciplinaire consistant en une interdiction temporaire de conclure tout nouveau contrat de collaboration ou convention de stage.

Manifestement, cette dernière proposition a retenu l’attention du CNB.

Nous pouvons néanmoins objecter que les sanctions prévues par le texte actuel (avertissement, blâme, interdiction temporaire d’exercice, radiation), s’attachent à la personne d’un avocat qui manque à ses obligations alors que l’interdiction temporaire de recrutement serait une sanction collective, applicable à un cabinet entier.

Une telle sanction serait contraire à la personnalisation de la peine alors que le manquement déontologique est lui-même propre à un comportement individuel.

En outre, l’ajout de textes fait penser à une inflation et une surenchère répressive, à l’instar du travail législatif, alors que l’efficacité de la mise en œuvre des poursuites et leur effectivité demeure la grande inconnue des politiques disciplinaires. A cet égard, seule la peine d’amende pécuniaire et forfaitaire permettrait de mieux faire observer nos principes déontologiques.

A cet égard, de façon générale, les Barreaux ne consacrent que peu de moyens à la poursuite des confrères récalcitrants à nos principes ou tout bonnement inobservateurs des règles déontologiques. C’est que la mission du Bâtonnier est d’abord de protéger ses confrères, tous ses confrères, quels qu’ils soient, le plaçant dans un difficile exercice d’équilibre à l’égard des plaignants.

Humainement, on peut le comprendre. Juridiquement et ordinalement, il est nécessaire que la police disciplinaire s’applique et soit respectée.

Néanmoins, l’anonymat et la création d’un cahier de plaintes, avec ce que cela peut comporter en termes de délation et danger démocratique, ne saurait être une solution moralement et juridiquement admissible.

C’est la raison pour laquelle, le désir d’objectivisation et de rationalisation des rapports liés aux manquements, devrait nous mener à pousser à la création d’un poste de référent syndical.

Nous avons la particularité en France d’avoir constitué autour de nos ordres, et d’avoir intégré au CNB, des syndicats professionnels d’avocats.

Le paradoxe est que le maillage territorial dont les syndicats disposent, n’a pas permis d’instaurer une écoute de proximité et, bien souvent, l’instance syndicale est réduite à l’image de militants politiquement orientés.

Qu’un syndicat exprime clairement ses positions n’est certainement pas un tort. Mais il est nécessaire de rappeler que c’est bien plus qu’un organe militant. Un syndicat, en soi, est l’organisateur d’un dialogue représentatif entre les forces vives du Barreau et ses institutions et sa mission première est de rappeler leurs devoirs à nos représentants.

De ce point de vue, le syndicat est l’interface altruiste naturelle entre les collaborateurs et les ordres. Il ne peut et ne saurait être concurrencé par les commissions « jeune barreau » ou collaboration, constituées au sein des ordres, lesquelles ont pour mission d’assurer une conciliation en cas de litige, mais également, assurer la conformité des contrats de collaboration à nos règles.

En aucun cas ces commissions ne devraient être le réceptacle de plaintes déontologiques et cette mission devrait échoir aux syndicats, ce qui permettrait de clarifier les rôles de tout à chacun et autoriserait le Bâtonnier à se concentrer sur une plainte dans le cadre d’une remontée d’information par un référent, spécialement désigné au sein d’un syndicat.

Du strict point de vue de la procédure, le référent s’assurerait de la constitution du dossier déontologique, de la certitude des témoignages en cas de manquement flagrant, mais également, le cas échéant, de la sauvegarde de l’anonymat du collaborateur plaignant.

Le champ d’action d’un référent syndical, son rôle et sa mission statutaire, désigné au sein des sections locales syndicales, permettrait de clarifier les procédures et le traitement des plaintes déontologiques, dans le but assumé, d’obtenir une plus grande écoute et une meilleure réponse disciplinaire.

Nous appelons de nos vœux cette réflexion déjà initiée par la FNUJA et qui nous semble la voie médiane pour une meilleure écoute et une plus grande efficacité des procédures disciplinaires et déontologiques.

Romain Lehmann

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